mardi 22 mars 2011

Les sciences cognitives : les disciplines participantes

Comme nous le détaillons dans l'article sur l’interdisciplinarité en sciences cognitives, le coeur des Sciences Cognitives vient de l’ouverture de plusieurs disciplines les unes aux autres dans le cadre d’un très large programme d’étude du fonctionnement de la Cognition.
Chacune des disciplines participantes aborde la cognition sous un angle qui lui est particulier et qui rentre ainsi en complémentarité des autres. Bien fou serait celui qui s’aventurerait à désigner parmi elle une discipline dominante.
Nous vous présentons donc ici une description sommaire des différentes disciplines qui sont à la base des sciences cognitives. Attention ! Ces descriptions se veulent délibérément courtes et larges pour ne pas rentrer dans certaines polémiques qui seraient mal venues ici. Je vous conseille de vous reporter, après leur lecture à des ouvrages plus spécialisés sur chacune d’entre elle. Par ailleurs cette liste formelle ne signignifie absolument pas que d’autres disciplines ne puissent participer aux sciences cognitives. Certaines notamment entrent progressivement dans ce cadre comme l’économie cognitive, le management stratégique, le management des connaissances, les sciences de l’éducation, et parfois même l’archéologie.
  • Psychologie

Discipline dérivée de la philosophie au cours du XIXeme siècle, la psychologie a pour objet d’étude, si ce n’est l’âme, du moins le psychisme, la conscience ou l’esprit. Aujourd’hui, la psychologie est divisée en plusieurs champs disciplinaires (psychologie analytique, sociale, développementale, etc.). Dans le cadre des Sciences cognitives, le cognitivisme est le mouvement qui est le plus représenté. La psychologie cognitive a pour objet l’étude des processus d’acquisition des connaissances et du traitement de l’information. Ces processus, comme les représentations qui en résultent, rentrent dans le cadre de cette discipline qu’ils soient conscients ou non conscients. La psychologie cognitive ne se préocuppe pas du support de fonctionnement mais du mode de fonctionnement. Il s’agit aussi d’étudier l’évolution et le développement des fonctions du système cognitif (phylogenèse et ontogenèse).
  • Neurosciences

« Ensemble des disciplines scientifiques ayant pour objet l’étude des différents aspects de la structure, du fonctionnement et des fonctions du système nerveux. » J. Requin dans Dictionnaire de Psychologie. Doront et Parot, 1991, PUF
Le but des neurosciences consiste à comprendre le fonctionnement de l’ensemble du système nerveux, qu’il s’agisse des systèmes centraux (cerveau, moëlle épinière, tronc cérébral,...), ou des éléments du système périphérique. Tant au niveau microscopique que macroscopique, il s’agit de décrire la structure organique du système nerveux, sa phylogénèse (évolution du système nerveux au cours des millénaires et de la succession des espèces), et son ontongénèse (construction et évolution au cours de la vie d’un individu). Mais au-delà -et de plus en plus- il s’agit d’étudier le rôle fonctionnel de ces structures c’est-à-dire mettre en lien le fonctionnement d’une structure nerveuse avec des processus de traitement de l’information. De la variété de niveaux de ces objectifs découle des méthodologies toutes autant variées. Traçage chimique des voies nerveuses, analyses de coupes au microscope électronique, enregistrements cérébraux sur neurones unitaires et/ou sur populations de cellules, imagerie cérébrale, études des effets comportementaux des modifications chimiques (injections), études des effets des lésions temporaires et/ou définitives, etc. Un certain nombre d’études sont réalisées sur l’animal.
  • Intelligence artificielle

« Constituée en 1956 à la conférence tenue au Dartmouth College (New Hampshire), où a été présenté le programme de démonstration de théorèmes Logic theorist de A. Newell, G. Shaw et H. Simon, l’intelligence artificielle est un domaine aux contours mal définis qui se distingue de l’informatique dite classique par les problèmes étudiés, les méthodes utilisées et des liens privilégiés avec les sciences cognitives. » M. Baron dans Dictionnaire de Psychologie. Doront et Parot, 1991, PUF
On distingue deux types d’intelligence artificielle : La « faible » a pour but d’optimiser certains programmes en apportant des éléments analogiques à un comportement intelligent, comme par exemple les systèmes experts, mais qui n’a pas pour but de modéliser le fonctionnement humain. L’intelligence artificielle « forte », elle, a pour vocation de mettre au point des programmes informatiques qui simulent le mode de fonctionnement du système cognitif, par exemple en utilisant des réseaux de neurones artificiels (connexionisme). Cette discipline est importante pour la modélisation des théories issues de la psychologie et des neurosciences.
On notera que la naissance de ce domaine est particulièrement proche de celle es Sciences Cognitives. Il est de ce fait bien difficile lequel des deux aida l’autre à se développer, mais quoi qu’il en soit les échanges entre ces deux domaines n’ont jamais finit de s’enrichir l’un l’autre dans une interaction des plus fructueuse.
  • Sciences du langage

« Disciplines dont l’objet consiste en l’étude à visée scientifique du langage et des langues naturelles » J.-L. Chiss dans Dictionnaire de Psychologie. Doront et Parot, 1991, PUF
Les sciences du langage sont un domaine vaste et elles-mêmes interdisciplinaires. Le terme "langage" désigne la capacité d’une espèce à développer et acquérir un système de signes. La linguistique, qui est la composante majeure des sciences du langage, consiste en l’étude des langues en tant que systèmes structurés de signes. il faut distinguer divers niveaux de description des langues :
  • La phonétique, qui étudie les sons à un niveau physique via les variations de la pression lors de la production, du transport, et de la perception.
  • Le niveau phonologique par lequel est étudié le système de catégorisation des sons en phonèmes, plus petites unités de distinction.
    Le niveau morphologique qui consiste en l’étude des morphèmes - unité linguistique définie comme la plus petite unité porteuse de sens.
  • Le niveau syntaxique, qui est l’analyse des règles de concaténation des unités de sens ;
  • La pragmatique qui étudira les mécanismes d’interaction par intégration de toutes ses composantes en milieu naturel (gestes, mimiques, conventions sociales, etc.)
Les sciences du langage étudient en outre tout ce qui est rattaché à des systèmes d’élaboration de sens (par exemple la signalisation routière, le sifflement des oiseaux, etc.) ne se limitant pas ainsi aux langues. Une approche considérée comme suplémentaire, car faisant appel à une méthodologie tout à fait différente, est la psycholinguistique. Elle consiste à rechercher comment la langue existe comme système cognitif et comment ce système s’incarne dans la matière au travers des tissus nerveux.
  • Philosophie

Le mot « philosophie », dans son sens grec originel, signifie « amour de la sagesse », en théorie et dans la pratique. Sur le plan théorique, les philosophes se questionnaient sur l’origine, la composition et la structure de l’univers ainsi que sur la nature de l’être humain et sa place dans l’univers. Sur le plan pratique, ils se penchaient sur des questions de conduite, telles que la moralité personnelle et comment nous devrions organiser nos relations interpersonnelles, tant dans notre vie privée qu’au sein d’institutions publiques, comme l’État. Dans le cadre des sciences cognitives, la philosophie peut être considérée comme un maître d’orchestre de part la grande contribution de l’épistémologie (histoire des pensées scientifiques). Les principales problématiques abordées dans les cadres des sciences cognitives sont celles de la naturalisation de l’esprit (relation entre le corps et l’esprit ; voir : http://wwwetu.utc.fr/ hameltho/SC11_lambda_calcul.pdf), de la métaphysique (voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Métaphysique#.C3.89tymologie).
  • Anthropologie

« Désignant, pour les naturalistes, l’histoire naturelle de l’homme, E. Kat donne au mot, en 1798, le sens de science de l’homme en général. Dans les années 1800, on l’emploie pour qualifier l’histoire des progrès des peuples vers la civilisation » C. Camilleri dans Dictionnaire de Psychologie. Doront et Parot, 1991, PUF.
L’anthropologie consiste en l’étude de l’évolution des peuples et des civilisations, et place l’évolution des cultures au centre de ces considérations. Au sein des sciences cognitives, l’anthropologie ne va pas dégager les différences entre cultures, elle ne va pas chercher à dissocier les cultures sur la base de ce qui les opposeraient, mais elle va chercher quels sont les éléments anhtropologiques universaux, autrement dit quels sont les éléments que l’on retrouve quelle que soit la culture. Par cette démarche les anthropologues dégagent des mécanismes généraux du système cognitif humain suivant le postulat que si un mécanisme, une façon de penser, est commune à toutes les cultures alors ce mécanisme est aculturel et cognitif.
  • Neuropsychologie

Entre la psychologie et les neurosciences, la neuropsychologie étudie l’altération des fonctions cognitives suite à l’altération du système nerveux. Il s’agit de faire le lien entre une altération du support cérébral et celle du processus mental. Faire ce lien permet de mieux comprendre la déficience d’un patient, et aussi participer à la compréhension de processus cognitifs "normaux".
Article écrit par B. Putois et F-X Pénicaud (2007)